Je suis prête à faire mille détours pour atteindre la boutique Bubo dans le quartier de El Born. Carlos Mampel, le chef propriétaire, excelle dans l’art pâtissier. Comme des bijoux dans leurs boîtes magnifiques sont exposés mousses de fruits, ganaches, pastilles de gélatine ambrée, feuilles d’or et pralines, des biscuits à l’huile d’olive, des truffes de chocolat blanc au curry.
Nous courons aussi tous les marchés couverts de la ville, grisés par les odeurs de basilic, de menthe, évitant les têtes de poissons écorchés à même le sol et caressant la volupté granuleuse, pourpre, des figues fraîches dans chacun d’eux. Les tomates sont tellement savoureuses qu’on les éclate sur du pain avec un trait d’huile d’olive et du gros sel d’Es Trenc, c’est le « pa amb tomaquet » du matin.
Une tranche de santé qui compense pour tout ce que ça torraille. L’interdiction de fumer dans les endroits publics est une boutade ici, que chaque tenancier assaisonne à sa propre sauce.
Puis on est restés à observer les skaters qui virevoltent autour du MACBA, mouches à casquette saccadées sur le plâtre blanc de Richard Meier, on a vu les prostituées, un nain, les nombreuses places du Barrio Gótico et quelques grands-mères aux fenêtres.
Le ciel est immaculé, l’air est chaud même en plein hiver. Moi qui connais le Nord, je flanche sous l’injustice de ces pays qui ne connaissent même pas la brume. Comme disait George Orwell, « les hommes naissent libres et égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ». En gros, il ne fait pas bon naître écossais quand on pourrait naître catalan.
Aiguiser son âme séparatiste, être presque prêt à mourir de fierté ou de bonheur sur le champ.