COURS DE CUISINE SARDE | les «sebadas»

La «cuoca» a décidé de m’initier à la confection des «sebadas», aussi appelés «seadas» suivant les variantes patoises. Ces sortes de crêpes farcies font partie des desserts typiques de la Barbagia, contrée montagneuse du Centre-Est et du Logudoro, zone de pâturages au Nord-Ouest.
Or Barbara -la propriétaire de cette modeste maison, prise dans des roches élimées, où Cinzia a passé son séjour- les propose en plat de résistance avec une menue salade de roquette. C’est du reste ainsi qu’elles étaient servies à l’origine.

Ma chef du jour a couru tous les magasins de la ville dans l’espoir de dénicher le «casu furriau», fromage local dont on a besoin pour la farce. En vain. Elle a donc amalgamé à l’improviste un beau morceau de brebis caillé, deux cuillers à soupe de ricotta et une bûchette de chèvre frais. Après avoir mis ce mélange à ramollir au bain-marie, elle y râpe le zeste d’une orange entière et d’un citron puis additionne du sel, un peu de poivre noir et même «un po’ di peppe al limone». Le tout commence à infuser, Tiziano Ferro balance sa pop mièvre et des miettes d’affection.

Nous tamisons 200 grammes de farine de blé dur. Le terme «knöpflimehl» et l’illustration sur l’emballage causent une furtive envie de fuir à toutes jambes mais cette poudre blonde joue le jeux à merveille. On ajoute un décilitre d’eau tiède et une pincée de sel si on est amoureux. La recette initiale préconise du saindoux or les sources sûres de Signorina Giannardi autorisent l’usage du beurre fondu. On en bascule donc 70 grammes dans le bol. Cici y plante les infimes diamants de ses ongles manucurés et malaxe la préparation jusqu’à ce qu’une boule docile se forme. On la laisse reposer, le temps de converser un brin, évoquer le passé avec des cils moites, reprendre un verre de Pinot Grigio del Veneto.

Notre marmiton ouvre un placard, ramasse un déluge de tupperwares mal remisés, jure brièvement et sort la ramassoire. Puis astique le piano qui, comme le talentueux Georges Wenger lui a une fois dit, doit toujours être impeccable. De mon côté, je croque dans une tomate cerise qui a fait tout le chemin depuis Olbia et en garde d’ailleurs des rides.
On étale le pâton et on dessine des lunes cannelées avec la «rotella». Le plan de travail carrelé imprime maints sillons dans nos disques pareils à des plis de couette après une trop longue nuit. On change de procédé et l’opération se poursuit sur une planche en bois mais la substance colle et la cuisinière se met à transpirer.
Les six cercles ont tous une taille différente, ils sont en réalité très loin d’être parfaits néanmoins c’est comme ça qu’on les aime. L’irrégularité donne une idée de «cucina casalingha» véritable. Et l’heure n’est point à la constance. On distribue la farce et on fait s’étreindre les ronds de pâte en scellant bien leurs bords.

Nous ignorons encore que le plus ardu reste à venir. Aucune de nous ne chérit la grande friture alors nous essayons de poêler un premier lot dans un minimum de matière grasse mais les ourlets se défont, nous insistons donc sur le filet oléagineux et les beignets semblent apprécier le traitement mais la Cinz’ n’est guère convaincue. Nous finissons par verser trois abondants doigts d’huile d’olive au coeur du Teflon ardent. Tant pis. Et il est nécessaire de relever que le nectar utilisé n’est autre qu’un superbe fluide extra vierge pressé à froid par des amis en Sicile. Liquide verdâtre où nagent quelques copeaux de pulpe noire.
Par acquis de conscience, nous prendrons le soin d’égoutter dans un papier absorbant notre astre doré et craquant avant de le trancher en deux. Faute du rarissime «meli amaricosu», Cici a rapporté un miel de fleurs de chardon. Elle tape copieusement dans le pot et, avec des mouvements de maestro, brode un lacis moiré.

Nous débouchons un Salice Salentino des Pouilles, cuvée 2008. Le rubis pimenté et son moelleux de fruits rouges couronne notre agape pastorale, âpre et douce à la fois.
L’ataraxie est atteinte par la suite sur un lit de glace pilée. Directement importée de là-bas, une bouteille de «mirto» recèle une liqueur intense derrière le verre de jais. Les baies sauvages du myrte sont un mythe et leurs anthocyanes nous pigmentent la moelle.
Dans cet éther de sous-bois, nous pouvons louer les plus extraordinaires «seadas» que le Lavaux ait jamais connu.

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4 commentaires pour COURS DE CUISINE SARDE | les «sebadas»

  1. Giannardi Cinzia dit :

    WAOUW WAOUW WAOUW c’est raconté juste génial !!! merci ce fut un réel immence plaisir de partager ce moment avec toi et un double plaisir de lire ce qu’il en est ressorti !! magnifico ! baci

  2. Eli Mermoud dit :

    J’en ai l’eau à la bouche ! Superbe ! Bravo les filles! Gros becs

  3. Mariola dit :

    bravo encore une fois…tu m’as fait rever les seadas! je vais vite voir si je trouve du miel dans mon placcard… au moins ça… ;tres bon reportage photo… bravo!!

  4. Bonjour je m appelle santina je suis née dans la province de nuoro et sas savadas je connia bien ma mère me les faisait souvent je vais vous donner sa recette francisée de su  » su asu urriau »
    Ma mére mettait un peu dans une casserole et y faisait fondre de la mozzarella en morceau,tournais le tout avec une cuillère en bois , des qu elle filais comme une fondue savoyarde , elle fesait des gestes en auteur puis elle mouillait le plateau de la table et a l’aide d une louche elle y déposait
    des ptt tas de ce fromage fondant et chaud puis elle l aplatissait a l aide des ses paumes mouillées
    elle confectionnait des cercles de 5 cm de diametre ou plus grand
    puis elle confectionnait sa pate et la farcissait de ses sfères de fromage
    P.S Une variante sas sevadas peuvent se farcir aussi avec de la ricota auquel on ajoute du sucre et du zeste de citron ou orange rapés ( cette recette est la préférée de mon frère franco
    essayez MMMMMM c’est sublime

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