NEW YORK | start spreading the news

I’m leaving today.
Avant de poser le pied sur sol étasunien, on est très vite informés que les agents des Customs and Border Protection sont habilités à nous interroger et procéder à la fouille de notre personne mais, tout de même, que si l’on est sélectionnés pour cet examen, celui-ci sera effectué de manière courtoise.
Bien entendu, il faut éviter d’introduire des produits agricoles et fauniques, de type carnés, semences, vecteurs de maladies, cultures cellulaires, oiseaux et escargots. Sachant que l’omission de déclarer de tels articles aux officiers du CBP ou aux inspecteurs de Fish and Wildlife peut entraîner des sanctions et possiblement la confiscation, il y a de quoi craindre pour ses gastéropodes.
Il est ajouté, en gras sur le papier qui nous est remis dans l’avion, que «d’ordinaire, l’importation de drogues et de stupéfiants ou d’objets à caractère obscène est interdite». D’ordinaire, soit.
Bienvenue aux Etats-Unis.

J’ai lâché ma valise sur la 51st Avenue et branché Sinatra. J’entame une danse. Or puisque la chambre ne coûte que deux cent dollars la nuit, l’écart disponible entre le lit et le lavabo est limité alors je me contente de faire des petits pas.
Je pars enfouir mon jet lag dans les remous nuageux d’un bagel au saumon, le poisson a une couleur de corail vif. Le vendeur porto-ricain a dû saisir mon manque de pratique et glissé à mon insu, ainsi que plus grande joie, une touffe de laitue lacérée qui concurrence le levain bouilli, croûte gonflée de l’étrier ashkénaze.
Au début, on est un peu intimidés par la jungle de «schmears» à choix. Les fromages à tartiner se déclinent en un assortiment ubuesque d’arômes. Aux noix et raisins secs, olives, cébettes, aux herbes, au cheddar, aux jalapeños, puis il y a leurs correspondances au tofu. Et le gouffre de l’indécision ne se referme pas ici. Car on peut ensuite varier les plaisirs en fourrant la mie, par pellées, de salade de thon, de crevettes, de hareng, d’esturgeon lacustre, d’œufs, d’aubergines à l’espagnole, de houmous, de salami kosher ou de Gênes, de poulet cajun ou teriyaki, de roastbeef, de dinde lustrée au miel, de jambon campagnard. Entre autres. Ou de pastrami, dont les replis lascifs sont presque sexuels et contre lesquels s’accolent les grains bleutés du pavot.
A cela, l’usage veut que l’on greffe force poivrons grillés, des câpres, du raifort, du lard, des pickles en tous genres. Et finir avec un yogourt low-fat parce qu’il est préférable de ne pas abuser.

Assise au bar dans la vitrine, je regarde la foule défiler. Une pléthore d’étudiants fraîchement diplômés traînent des toges foncées sur l’asphalte de Hell’s Kitchen. Leur agitation oscille entre enfantillage et magnétisme. A côté de moi, deux hommes boivent du café dans des gobelets. En carton. En silence. Puis, de façon sporadique, l’un d’eux distille une phrase parfaitement cryptique, souvent inachevée, dans un dictaphone. Un personnage de David Lynch n’eût guère fait beaucoup mieux.
Je n’arrive pas à terminer. Plus tard, je donne la moitié de mon repas à un barbu sans sou qui sondait les poubelles. Je crois bon de spécifier, en lui tendant le sac, qu’il s’agit d’un demi-sandwich, frais et exquis. Il n’allait contester la qualité de la marchandise. Il me remercie à la hâte et reprend à fureter entre les pans de polyéthylène. Je ne sais pas à ce moment précis si je dois me sentir comme une sorte de Robin des Villes ou plutôt comme une touriste sordide, vaine et condescendante.

Je poursuis ma route.
Les espaces, ampleur et vides du Grand Central Terminal ont leur part de surréalisme. Ça m’emplit les veines, me chavire, je lève des tempes battantes vers le toit astral, une pléiade de sagittaires et quelques chevaux ailés. Je suis épuisée, je n’ai pas la mort aux trousses mais la tête qui tourne. Le Chrysler building plante la sienne dans la brume et mon cœur se met à pleuvoir.
New-York. Je me dois d’être heureuse, for fuck’s sake.

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3 commentaires pour NEW YORK | start spreading the news

  1. lewerentz dit :

    Contente de relire un billet sur ce blog 🙂

  2. lewerentz dit :

    Oui, oui, excuse-moi 🙂

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