Chatuchak est une expérience de vie. Situé au nord du centre-ville, ce marché est un des plus étendus au monde. Sur plus de 100’000m2, il compte environ 15’000 échoppes. On y déniche livres, décorations et ornements, peintures ou gravures, des miniatures et des reproductions en miniature de miniatures, des plantes, des housses de coussins, des sacs à pompons, des bijoux, des poteries, des tissus et des papiers fascinants aux incrustations précieuses, des rubans, des vasques de salle de bain qu’il serait pratique de ramener en Suisse, des vêtements, des vraies Converse ou des fausses lunettes Chanel, des antiquités, du mobilier et des animaux domestiques. Entre autres.
Buvettes et cantines ponctuent le tout. Dynamisés par une quantité déraisonnée de nectar de tangérines, nous sommes restés quatre longues heures à louvoyer dans cet éparpillement insaisissable. Et mes globes écarquillés de choir sur un lot de crabes bleutés et ficelés, sur la langueur de crustacés aux péréiopodes entremêlés, des cupcakes pondéreux à l’américaine comme les thaïlandais affectionnent tant, des saucisses empalées, sur des œufs de calamar, sur d’indescriptibles bouillies à grains sombres dont la vendeuse entreprend en vain de nous expliquer la composition. La seule certitude veut que ce ne soient pas des kiwis, cependant le mystère demeure entier.
Des messieurs attendent le prochain combat de coq accoudés à la barrière qui délimite le gallodrome, un boutiquier s’épile trois poils de barbe à l’aveuglette au moyen d’une brucelles devant un stand de sandales fleuries. Puis l’on s’installe dans un restaurant improvisé.
Par-delà un énorme mont de légumes en lambeaux, on aperçoit la dextre du cuisinier maculer de sauce un bouton de stéréo pour pousser au maximum des tangos électroniques déracinés. On se partage une salade de «glass noodles», nouilles fabriquées à base de farine de haricots mungo, serpentins siliconés sous un hachis de porc et relevé de menthe et de coriandre fraîches ainsi que les crevettes séchées, fluettes virgules surettes, d’une «som tam malako». Un menu bonhomme passe entre les tables avec un plateau garni de portions de poulet grillé et d’ardents sachets de riz glutineux, on se laisse tenter. Il distribue aussi une sélection de boissons et cherche à nous convaincre que nous aurions de toute façon choisi la limonade qu’il nous tend avant de lancer des verres envahis de glaçons sur la toile cirée.
En vérité, j’eus préféré un thé vert japonais Oishi, au miel et au citron ou son cousin noir. Celui qui me ferait encore le coup de la madeleine, étrange sensation que d’avoir soudain 8 ans, dans les bras de ma maman, en plein Bangkok.