CHIANG MAI | le Wat Phrathat Doi Suthep

La faim point dans le quartier de l’université.
Je m’approche d’une bâche flanquée sur une carcasse de bambous. Il y a plusieurs plats différents en vitrine or la virago dans cette chemise, dont les motifs concis sont la seule partie bucolique du personnage, ne me laisse guère le choix. Elle mâchonne une série de vocables puis extrait d’un ample coup de louche un louche échantillon de sa marmite. D’indistincts filaments vermillon s’élèvent des flots bouillonnants. Un brin inquiète, je m’enquiers : «veg… vegetables ?». Elle acquiesce avec un rictus qui trahit une incompréhension magistrale. Je n’ai nulle notion de l’opération dans laquelle je me lance mais lâche un OK timoré. Elle positionne alors un monticule de nouilles épatées au fond d’un bol qu’elle recouvre de son mystérieux magma puis couronne le tout d’une généreuse portion de «crispy fried noodles». Elle m’indique le prix sur sa calculatrice. C’est bien ce que je craignais, elle ne dit aucun mot d’anglais. Et je vois des copeaux de viande faire surface.
Sur la nappe qui sent l’éponge humide, un baquet en plastique céladon contient d’humbles pots à couvercle, un «bonne chance», en français sur la glaise, est souligné par la tige d’un trèfle à quatre feuilles. Il se peut fortement que j’en aie besoin.

Un sorng-taa ramasse ce qu’il subsiste de moi et l’emmène, sur 15km de lacets, au mont sacré de Doi Suthep. Au bout de 309 marches, le temple homonyme accueille en musique mon exultation chatoyante. Un luth grajabpi, une vièle bicorde, Ganesh est là aussi qui n’écoute sans doute plus.

Des amandes de violet dégradé, un chignon comme une ruche noire où sont piquées des orchidées en tissu et quelques rangées de pépites pour maintenir le filet. Elles ont peut-être neuf ans et présentent l’antagonisme parfait de ressembler autant à une mioche candide qu’à une pute aguerrie. J’épie ce rouge à lèvre outrageux jusqu’à une commissure de poupée et les petits cheveux dans leur nuque.

Un hyménoptère s’affaire sur les offrandes, il fourre ses mandibules cartilagineuses dans les nourritures célestes. Pendant ce temps, les croyants achètent chacun un bouquet de bâtons d’encens, deux bougies et des boutons de lotus, créent l’incendie sur une imposante alvéole ocre, placent les chandelles sur une arche métallique et tiennent le reste entre leurs paumes jointes au niveau du visage, puis déposent les fleurs sur un autel, sorte de réceptacle carmin, prient à voix basse, inclinent ensuite la tête et glissent les mains du cœur au front trois fois avant de planter l’oliban dans le sable d’un vaste contenant de pierre.

Au-delà des nez baissés, sur des échafaudages dorés, une paire de bonzes en pagne répare le chedi. Leur agilité simiesque me fascine, j’ai les tempes qui battent et envie de pleurer.
Le fameux syndrome du voyageur, qui sait.

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4 commentaires pour CHIANG MAI | le Wat Phrathat Doi Suthep

  1. FloGiordano dit :

    J’adore votre « travail »(?)… Je rentre de Thailande. Je retrouve des images, des lieux, des visages. Presque des odeurs. Êtes-vous photographe ? Écrivain ?

    • Merci infiniment, Flo, pour vos messages qui me touchent beaucoup et je suis heureuse de vous avoir fait revivre des moments thaïlandais!
      Je ne suis ni photographe ni écrivain, juste passionnée.
      Vous remarquerez que cela fait fort longtemps que je n’ai rien posté or votre enthousiasme m’encourage à m’y remettre!
      A mon tour de vous remercier donc…

      • Flo dit :

        J’ai lu, après coup, que vous étiez Interior designer. Une artiste. Douée à l’évidence. J’habite en Corse. A Bastia. Connaissez-vous la Corse ? Ses villages et sentiers, la myrthe et le libecciu, les Boulevards qu’arpentent les fashionistas. Les bords de mer et les forêts de tous les continents s’y trouvent. Et la gastronomie ! Si ça vous dis, je me ferais un plaisir de vous donner quelques pistes. Laissez-moi un mail. Je vous enverrais des petites choses. J’aimerais voir votre travail de « décoreuse ». Possible ?
        Remettez-vous vite à écrire et photo-illustrer. 🙂

      • Ah oui, je connais la Corse. Je n’y suis allée que deux fois mais l’envie de réitérer ne manque point!
        Volontiers pour vos conseils gastronomiques et autres poudres de châtaigne, vous pouvez utiliser juliane@selfishandchips.com.
        Mon travail en tant que designer s’est toujours déroulé au sein de bureaux d’architecture (italiens, irlandais, écossais et principalement suisses). Les images leur appartiennent. Difficile pour moi de vous montrer quoi que ce soit.
        Pour l’écriture et la photo-illustration, je m’y attèle de ce pas!

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