NEW YORK | la malbouffe se meurt, vive la malbouffe

Pour vivre ici, il faut avoir faim.
Le plus petit carton de popcorns au cinéma affiche 410 calories, sans même trembler. Les smoothies, paradis de grenadine, sont des pommades fuchsia -dans des récipients en polystyrène interminables- si épaisses que tirer sur la paille semble illusoire.
Quand on a faim ici, il faut faire la queue.
Au Shake Shak de Madison Square Park notamment, cinquante employés en pause attendent l’un derrière l’autre et tuent les minutes en lisant. Du moins ceux qui ne se sont pas donné le mal de consulter l’état des lieux grâce à la webcam du site internet. Persévérance sublime pour une rondelle de viande entre deux tranches de pain mou. Si ce n’est l’hyménophore d’un gros champignon brun.

Au coin des rues, on déniche ces hot-dogs submergés de choucroute, des shish kebabs qui ont le vent en poupe, des pretzels brûlants dont la croûte cendrée et, par endroits, poisseuse est constellée d’une déluge d’opulents cristaux de sel.
Dans les quartiers où les carrioles distribuent aussi des «knishes», sortes de chaussons de pâte friable, que les immigrants ukrainiens ont introduits aux Etats-Unis au début du 20ème siècle, il y a d’importantes chances que quelques juifs orthodoxes s’affairent non loin. Leurs kippas de velours noir et longues papillotes dans les vapeurs d’oignons.

Chez Zabar’s, dans le Upper West Side, une effluve de torréfaction vous aspire entre les rayons. Parmi les glaces Ben&Jerry aux singes costauds ou spirales de guimauve, des coquilles d’escargot vides, différents types de pitas et de pumpernickel, des cannoli siciliens, plusieurs salamis au Pinot Grigio, les cakes russes, les sprats fumés de Riga. Et des boîtes de caviar.
La chaîne Fairway tente de rivaliser avec ses aquariums à langoustes, toutes encore remuantes et bonhommes. J’observe les décapodes. Dans la vitre se reflètent, je le crains, les bocaux des sauces auxquelles ils seront mangés.
Dans les nombreuses succursales de Whole Food Market, les baies de Goji himalayennes, sirops de tapioca, émulsions à la menthe poivrée ou huile de chanvre et ces détergents biodynamiques sont en surabondance.

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Devant la diversité, la richesse des produits que l’on décèle éparpillés, partout, dans la mégapole, j’ai envie de croire que la junk food dépérit.
La terreur du grand méchant gras a généré l’ouverture de ces cafés végétaliens où les pousses et germes sont rois, les aliments crus, les médaillons de seitan au penchant macrobiotique. Le yin et le yang sont servis sur assiette. Il se peut que l’on peine à distinguer l’un ou l’autre car quelquefois cachés sous un monticule de jicama. On cherchera alors les forces dilatatrices et celles constrictives au fond d’un jus de racines.
Ou pas.

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